Fromages AOP : sont-ils en danger ?

Dans son documentaire intitulé « Fromages AOP : le terroir caisse ? », France 5 dénonce la mainmise des industriels sur la production des fromages AOP. Diffusé le dimanche 14 octobre, ce reportage de 50 minutes tire la sonnette d’alarme sur la perte de qualité de ces fleurons de la gastronomie française pour le plus grand désespoir des amateurs de bons fromages. Alors, les fromages labellisés AOP sont-ils vraiment en danger ? Décryptage.

AOP, un label officiel

Historiquement mis en place afin de lutter contre la fraude, le signe AOP (appellation d’origine protégée) est une étiquette officielle accordée par les pouvoirs publics. Matérialisé par son macaron rouge et or, il couvre l’ensemble des produits agricoles et alimentaires comme les viandes, beurres, crèmes, fruits, légumes et fromages. Dans le cas de ces produits laitiers, il garantit ainsi aux consommateurs que toutes les étapes de production ont eu lieu dans l’aire géographique délimitée de l’appellation. Et ce, de la production du lait à l’affinage du fromage. Mais, en plus d’assurer l’origine du fromage, ce label permet également de préserver la diversité des saveurs et un savoir-faire reconnu. Il constitue donc la garantie de l’authenticité et de l’excellence des fromages français, notamment au niveau du gout.

Il faut savoir que 45 fromages français bénéficient de ce sigle officiel. Parmi les fromages au lait de vache, l’on peut citer l’Abondance, le Beaufort, le Bleu d’Auvergne, le Brie de Meaux, le Camembert de Normandie, le Mont d’Or, le Saint-Nectaire ou encore le Reblochon. Pour ce qui est des fromages à base de lait de chèvre, l’on peut mentionner le Banon, le Chavignol, le Chevrotin, le Mâconnais, le Pélardon et le Valençay. Quant aux fromages AOP au lait de brebis, il s’agit du Roquefort, du Brocciu et de l’Ossau-Iraty. Bref, que la crème du terroir français !

La mainmise des grands groupes industriels sur le secteur des fromages AOP

Si en principe le label AOP est la garantie d’une production traditionnelle, la réalité est tout autre. En effet, selon les données rapportées par France 5, 70 % des fromages qui arborent ce fameux logo appartiennent désormais à de grands groupes industriels de l’agroalimentaire. Par exemple avec le Camembert de Normandie : aujourd’hui, 6 Camemberts AOP sur 10 sont issus de la firme Lactalis.

Avec 2,1 milliards de chiffre d’affaires, le marché des fromages AOP est une vraie manne financière pour les grands groupes industriels du secteur agroalimentaire. Le problème réside dans le fait que ceux-ci veulent imposer leurs méthodes de fabrication (utilisation du lait pasteurisé, abandon du moulage à la louche, etc.). Et cela, afin de réduire leur cout de production au détriment du savoir-faire traditionnel et du gout. Comment ? En faisant des lobbyings pour l’assouplissement du cahier des charges AOP, le seul rempart contre la standardisation.

Autre sujet de préoccupation : la provenance et la qualité du lait pour la production des fromages AOP

Si la garantie de la zone géographique est toujours respectée, il n’en est pas ainsi de la production de lait qui a fait l’objet d’une standardisation. De fait, dans le cas de la fabrication des Camemberts AOP par exemple, les industriels favorisent le rendement de vaches super-laitières qui promettent des volumes de lait beaucoup plus importants. Concrètement, les vaches laitières Prim’holstein fournissent 28 à 35 litres par jour, tandis que les vaches normandes ne donnent que 20 et 23 litres. Malheureusement, le lait de ces vaches de race Prim’holstein contient moins de protéines que celui des vaches normandes. Et pourtant… C’est ce qui donne tout leur caractère aux différents fromages. Le cahier des charges AOP est d’ailleurs formel. Pour produire du Camembert de Normandie, l’utilisation de lait cru (et non pasteurisé) avec au moins 50 % de laits de vache normande est de rigueur.

Dans tous les cas, si les lobbys des groupes industriels obtiennent un assouplissement du cahier des charges AOP, cela risque fortement de faire baisser la qualité du label. Ce qui va impérativement entrainer une baisse de la qualité des produits, et pas seulement pour le Camembert AOP.